Commentaires de May Desbordes à propos de l’intervention E. Smadja :
« Le rire, son corps, sa psyché et son enveloppe socioculturelle »
Merci de cette approche si complète, fidèle aux concepts de Marcel Mauss à propos de l’homme total et en accord avec les références pluridisciplinaires du CIPA
Merci de votre éclairage :
Non, le rire n’est pas le propre de l’homme comme l’affirmaient Aristote et Rabelais, le rire se rencontre aussi chez les primates.
Non, le rire n’est pas qu’un signe de bonne santé, l’équipe du rire-médecin introduit des clowns en pédiatrie dès 1991 pour compléter les soins. Vous évoquez les rires neurologiques, les rires sous toxique, les rires d’angoisse, les rires immotivés du psychotique, et même mourir de rire (au sens propre)
Vous proposez un pattern moteur (l’héritage génétique et phylogénétique universel) se composant :
- d’une mimique
- de vocalisations sur le temps expiratoire de la respiration (à noter les pleurs qui ont lieu sur le temps de l’inspiration)
Votre approche psychologique ne manque pas de partir des théories freudiennes avec Le mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient(1905) et L’Humour (1927).
Le rire est envisagé comme résultant d’une décharge pulsionnelle, son mécanisme inconscient serait proche de celui du travail du rêve, non sans rappeler sa proximité avec l’orgasme.
Si le pare-excitation est débordé on assiste à un fou-rire (Boris Yelsin et Bill Clinton en 1995).
Vous tenez compte des recherches d’autres analystes (Bergeret, Guillaumin et d’autres) en insistant sur la composante orale du rire (qui est pourtant un mode de communication non verbal).
La bouche étant la première zone érogène, le rire sera un rire-plaisir.
La bouche par laquelle s’exprime les pulsions sadiques orales, permettent de mieux comprendre la fonction agressive du rire.
Soulé accorde une importance maturatrice du rire et de la période « caca boudin » chez l’enfant, là l’oralité côtoie l’analité (pour L. Assoun, le rire est l’envers scatologique du sentiment du sacré.)
L’oralité permettant aussi probablement l’expulsion de mauvais objets préalablement incorporés. Le rire pourra avoir un rôle de défense maniaque (j’y reviendrais).
A noter que le rire suspend la parole. Lacan aurait-il pu écrire, « je ne peux pas dire que je ris. »
Vous préciser la place du rire suivant les époques, les lieux, insistant sur la codification du rire et son rôle social (et ceux dans les premiers mois de la relation mère-enfant)
Il y a l’émetteur, le récepteur, et le tiers (tiers qui peut déculpabiliser par exemple), également le tiers culturel (histoires juives), le tiers incarné par la loi, la fonction paternelle (chez Bergson, la loi du père).
Freud, dans l’iconographie dans Un fantasme obsessionnel (1916) nous amène à penser que le rire est un moment de désymbolisation de vacance de la loi.
Je souhaiterais insister sur la place du rire en séance dont nous avons tous fait l’expérience. Le rire à une longueur d’avance sur la pensée, et nous avons touché juste.
« Beaucoup de nos patients ont régulièrement témoigné par un rire que l’on est parvenu à montrer fidèlement à la perception consciente, l’inconscient dissimulé. » (Freud)
Je conclus en évoquant le mythe de Baubo cher à Devereux :
Déméter est inconsolable de la perte de sa fille Perséphone, une dépression d’allure mélancolique s’installe. Sa servante Baubo relève sa jupe et exhibe son sexe. Déméter se met à rire sort de sa dépression. Le rire est l’antidote de la mélancolie et nous pourrions l’envisager comme une défense maniaque. Et de citer : « L’éclat de rire symboliserait un éphémère éclat de vie. »