Les Séminaires Thématiques du CIPA 2020

Cycle de formation 2020

Organisation : Christine Gioja Brunerie et Anne-Marie Leriche

Effets de la Modernité dans la clinique
Du signe au mot ?
Les prémices de la narrativité

Le CIPA poursuit sa recherche autour de la thématique de la fragilité des sens au langage et l’oriente pour l’année 2020 sur le « manque à être », cette précarité existentielle qui nous est propre et dès l’origine nous pousse vers la nécessité de donner du sens à la vie à commencer par le langage : de l’hallucinatoire à la figuration, à la représentation symbolique avec le mot, et la parole, comme medium.

Nous aborderons le langage dès les premières traces de l’humanité à travers ses représentations pariétales, engrammes, restés présents en nous, à notre insu, indicibles, mais toujours prêts à resurgir, constituant un socle métaphorique de la subjectivité. Ces signifiants se déploient secondairement dans des représentations psychiques et leurs traductions figurées à l’origine du récit mythique, inducteur de séparation, confrontant à un « manque-à-être »

Dès les premiers balbutiements de la langue à l’origine de la constitution de la psyché, se dessinent, du signe au mot, les prémices de la narrativité, qui se manifestent dans la langue des signes où le corps tout entier devient langage verbal, là où l’œil remplace l’oreille et la vue supplée l’ouïe. Autant d’espaces dans lesquels se met en scène la narrativité qu’elle soit pré-verbale ou verbale, et dont le moteur, « le manque à être », pousse à construire, à rencontrer l’autre, à se confronter à la complexité des discours dans le monde.

Que devient la langue lorsqu’elle ne peut plus servir de véhicule pour rencontrer l’autre, lorsqu’on a tout perdu ? La faille originelle resurgit alors avec violence. Et le trauma atteint des espaces sensibles propres à chacun, mais aussi des espaces sensibles qui appartiennent à l’humanité.

La conjonction de ces deux espaces est à considérer dans son exploration clinique et sa reconstruction possible dans le social, avec les aléas du politique qui la gouvernent.


Programme

Les engrammes de la langue

Samedi 8 février 2020, de 14h à 17h

L’onyx, une évidence ?

Gérard Noir
Psychanalyste, ancien psychiatre des hôpitaux, membre adhérent de la SPP.

A partir de la remarque de Freud dans « l’interprétation des rêves » et de la notion de régrédience, essai de compréhension du processus psychique créatif de la gravure d’un triangle pubien dans l’abri de la Ségognole au paléolithique supérieur. Au-delà de la référence identitaire individuelle et groupale de ce signe, dégagement de l’hypothèse de valeur de « signifiant matriciel » de ce signe, en s’appuyant sur la fréquence importante de celui-ci dans les grottes ornées et de ses emplacements qui donnent à penser à une valeur signifiante particulière.

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À corps parlant. Langues signées et ressources sémiotiques et narratives du langage.

Chantal Clouard
Docteur en psychologie. Psychanalyste. Codirige le Groupe de recherche sur les apprentissages et le langage à l’Institut national de jeunes sourds de Paris.

Les langues signées nous déplacent dans le langage, ailleurs et au cœur de celui-ci. Elles « inquiètent » les autres langues par leur « corporéité » et dérangent les certitudes : du rêve d’universalité à celle du primat de l’oralité, de la linéarité et de l’arbitraire du signe.

Leur générativité révèle les mécanismes « primitifs » d’enracinement de la représentation dans la perception et le geste présents dans toutes les langues. Nous décrirons lors de l’acquisition du langage et de l’intersubjectivité cette polyphonie sensorielle dans laquelle communication en actes et figurations corporelles tracent les premières esquisses d’un espace de récit.

Discutante : Marie-Laure Dimon

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Originaire de la langue, perte des origines

Samedi 6 juin 2020, de 14h à 17h

La contrebandière

Georges Zimra
Psychiatre, psychanalyste

Contrebandière, la langue infiltre nos croyances, fabrique nos discours, impose des idéologies. L’origine de la langue est un trou abyssal que les mythes s’empressent de combler par des récits qui consignent l’immémorial, l’oublié, la perte. C’est toujours une autre langue que parle la langue. C’est de l’écart qu’elle entretient avec elle-même et les autres langues qu’elle se nourrit et nous éclaire. Freud nous invitait là-dessus à distinguer une mémoire des signifiants des signifiants de la mémoire. Ceux qui ont voulu en faire un objet technique ou une logique d’assignation ont déshumanisé l’homme autant que la langue.

Traduire le traumatisme

Hala Trefi Ghannam
Interprète, traductrice et formatrice FLE

Dans le travail de traduction avec les demandeurs d’asile, la forme narrative pensée comme expérience organisatrice donnant sens et cohérence à un vécu, se montre particulière. Après des traumatismes extrêmes, l’exilé voit s’opérer en lui une désorganisation de son identité ; faire son récit est une nécessité mais la possibilité d’en faire les prémices de la narrativité n’est pas forcément acquise. Ainsi traduire, c’est d’une langue à une autre, traduire l’absence de langue de communication, la libération de la parole ou pas. Comment entrer dans une autre langue ? Comment vivre l’expérience avec l’Autre ? Quelles transformations ? Quelles pertes ?

Discutante : Christine Gioja Brunerie